Âge du premier rapport, nombre de partenaires, pratiques : la sexualité des Français connaît des « changements majeurs »

La sexualité des Français a connu des « changements majeurs » ces dernières années, révèle une vaste enquête publiée ce mercredi par l’Inserm : les pratiques sexuelles sont désormais plus variées, les rapports moins fréquents, le premier rapport plus tardif, le nombre de partenaires sexuels plus important. L’enquête révèle aussi un niveau de violences sexuelles « inquiétant » : près d’une femme sur trois déclare avoir subi un rapport forcé ou une tentative.

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Fruit de cinq années de travail, cette enquête sur le « contexte des sexualités en France 2023 » est la quatrième enquête scientifique depuis 1970 à étudier la vie affective et sexuelle en France et à les replacer dans le contexte des changements sociétaux. Ces évolutions « pour la plupart s’inscrivent dans le long terme, bien avant #Metoo », a souligné Nathalie Bajos, sociologue et directrice de recherche à l’Inserm, lors de la présentation de cette enquête.

Des violences sexuelles « inquiétantes »

Le nombre de femmes déclarant avoir subi un rapport sexuel forcé ou une tentative de rapport forcé a nettement augmenté en France ces dernières années. Ainsi, en 2023, 29,8% de femmes âgées de 18 à 69 ans ont déclaré avoir subi un rapport forcé ou une tentative de rapport forcé, contre 15,9% en 2006. La hausse est particulièrement marquée chez les jeunes femmes (18-29 ans), passant de 16,5 % à 36,8 %.

« Ces chiffres traduisent » à la fois « la baisse d’un seuil de tolérance aux violences sexuelles intra-conjugales » et « une plus grande capacité à qualifier ces faits et à les déclarer dans les enquêtes », a souligné Mme Bajos. Chez les hommes, ce chiffre passe de 4,6 % en 2006 à 8,7 % en 2023.

La mobilisation sociale contre les formes de violences sexuelles a certes « modifié les cadres normatifs du consentement », mais l’enquête « dresse un tableau de l’ampleur de ces violences qui demeure inquiétant », selon Nathalie Bajos, qui décrit une « sexualité plus souhaitée » et un « rejet de la disponibilité sexuelle des femmes de plus en plus marqué ». L’enquête note en effet une diminution chez les femmes, depuis 2006, de la fréquence des rapports sexuels acceptés pour faire plaisir à son ou sa partenaire sans en avoir vraiment envie soi-même.

Le premier rapport plus tardif

L’âge médian au premier rapport sexuel – c’est-à-dire l’âge auquel la moitié de la population a eu son premier rapport – a légèrement augmenté ces dernières années, atteignant 18,2 ans pour les femmes (contre 17,3 ans dans les années 2000) et 17,7 ans pour les hommes en 2023 (contre 17,3 ans dans les années 2000). Une légère inversion de tendance par rapport à celle observée entre le début des années 1960 et le milieu des années 2000, lors de laquelle l’âge médian avait diminué, et qui « s’observe également dans d’autres pays », note l’étude.

En parallèle, l’étude relève que la vie sexuelle s’est prolongée : en 2023, 56,6 % des femmes et 73,8 % des hommes restent actifs sexuellement après 50 ans.

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Plus de partenaires

Le nombre moyen de partenaires sexuels au cours de la vie a augmenté, en particulier chez les hommes. L’étude souligne d’ailleurs sur ce point que l’écart entre les femmes et les hommes « reste important« . Il est ainsi passé chez les femmes de 3,4 partenaires en moyenne en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres sont stables entre 1992 et 2006 (11,2 et 11,9 respectivement), et atteignent 16,4 partenaires en moyenne en 2023.

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La fréquence des rapports en baisse

En parallèle, certains indicateurs d’activité sexuelle ont diminué : en 2023, 77,2 % des femmes et 81,6 % des hommes ont déclaré avoir eu une activité sexuelle avec un partenaire dans les 12 derniers mois. Un chiffre est en baisse par rapport à 2006 (82,9% pour les femmes et 89,1% pour les hommes) et 1992 (86,4% pour les femmes et 92,1% pour les hommes).

La fréquence des rapports sexuels lors des quatre dernières semaines a aussi diminué, passant de 8,1 en 1992 à 6,0 en 2023 pour les femmes et de 9,0 en 1992 à 6,7 en 2023 pour les hommes.

Les explications « sont multiples », selon l’Inserm. Parmi elles, l’institut cite « les périodes sans partenaire stable sont plus nombreuses en 2023 que par le passé », la « remise en question de la disponibilité sexuelle des femmes », l’essor de la sexualité qui « dans l’espace numérique » ou encore la pandémie de Covid-19, qui « a contribué à altérer sur le long terme la santé mentale notamment des plus jeunes ». Enfin, l’enquête souligne que la définition d’un « rapport sexuel » renvoie encore majoritairement à la pénétration vaginale ou anale. La baisse de la fréquence des rapports sexuels peut donc être mise en perspective avec le développement d’autres formes d’expériences sexuelles.

Désormais, « il semble que l’absence d’activité sexuelle soit vécue de manière moins problématique qu’autrefois chez les plus jeunes« . De même, « l’idée selon laquelle les hommes auraient ‘par nature’ des besoins sexuels plus importants’ que les femmes, qui était majoritaire en 2006, ne l’est plus en 2023« .

La « satisfaction sexuelle » en légère augmentation

Ces changements « ne semblent pas affecter la satisfaction sexuelle » des Français. Les femmes rapportent ainsi dans les mêmes proportions qu’en 2006 être « très satisfaites » de leur vie sexuelle (45,3% contre 43,6%).

Chez les hommes, « la satisfaction sexuelle a augmenté », rapporte même Mme Bajos, passant de 35% en 2006 à 39% en 2023. « Tout le discours consistant à dire que l’égalité entre les sexes, le féminisme déstabilise les hommes dans leur sexualité et leur virilité n’est pas que ce que montre l’enquête ».

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Des pratiques sexuelles plus variées

« Le répertoire des pratiques sexuelles s’est sensiblement diversifié au fil du temps », analyse également l’Inserm. « De plus en plus d’hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté d’autres pratiques sexuelles que les rapports vaginaux », comme la masturbation, le sexe oral ou les rapports anaux.

En ce qui concerne la masturbation, l’évolution est particulièrement flagrante chez les femmes : en 1992, 42,4 % des femmes déclaraient s’être déjà masturbées, elles sont 72,9 % en 2023. Chez les hommes, « cette pratique est intégrée aux répertoires sexuels de longue date » et l’évolution est moins marquée.

Le pourcentage de personnes « ayant déjà expérimenté la fellation (réalisée ou reçue) au cours de la vie » a également augmenté, passant de 63,2 % en 1992 à 78,3 % en 2006 et 84,4 % en 2023 chez les femmes, et de 75,3 % à 85,5 % et 90,5 % chez les hommes.

Des « tendances similaires sont observées pour l’expérience du cunnilingus (réalisé ou reçu) » : chez les femmes, ce chiffre est passé de 72,1 % en 1992 à 83,7 % en 2006 et 86,9 % en 2023, et chez les hommes de 77,8 % à 85,7 % et 87,7 %.

La « pratique de la pénétration anale » a aussi augmenté au fil du temps chez les femmes, passant de 23,4 % en 1992 à 35,2 % en 2006 et 38,9 % en 2023. L’augmentation est « plus marquée chez les hommes », passant de 29,6 % à 46,3 % et 57,4 %.

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« Révolution » numérique

Avec les avancées technologiques, « les activités sexuelles en ligne se sont massivement développées » ces 20 dernières années. En 2023, 33 % des femmes et 46,6 % des hommes ont eu une expérience sexuelle en ligne avec une autre personne. Il peut s’agir par exemple de s’être connecté à un site de rencontre, d’avoir rencontré un partenaire sexuel en ligne, ou d’avoir échangé des images ou des vidéos intimes.

Des pratiques « plus fréquentes » chez les plus jeunes. Chez les moins de 30 ans, 39,4 % des femmes et 43,5 % des hommes ont ainsi déjà rencontré un partenaire sexuel par le biais d’un site ou d’une application.

Des orientations sexuelles plus variées

La proportion de personnes ayant eu au moins un partenaire du même sexe au cours de la vie a augmenté, atteignant 8,8% chez les femmes et 8,9% chez les hommes. En 2023, 1,3 % des femmes et 2,3 % des hommes de 18-89 ans définissent leur sexualité comme homosexuelle, 2,8 % des femmes et 2,3 % des hommes se disent bisexuels et 1,5 % des femmes et 0,6 % des hommes se considèrent pansexuels.

La « remise en cause de l’hétérosexualité » est plus fréquente chez les jeunes générations, selon l’étude de l’Inserm, « celles-ci ayant grandi, à la différence de leurs parents et grands-parents, dans une période de forte évolution des droits et de la visibilité sociale des personnes LGBTQA+ ».

« La remise en cause de l’hétérosexualité est aussi plus remarquable chez les femmes », analyse l’institut. « Il y a pour elles plus à gagner » à s’orienter vers une autre sexualité « en raison notamment des inégalités et des violences persistantes au sein du couple hétérosexuel ». Pour la première fois, « les femmes rapportent plus d’expériences avec des personnes de même sexe que les hommes », souligne Nathalie Bajos.

Le changement de genre

Au total en France, une personne sur mille (0,1 % de la population) déclare avoir entrepris des démarches pour changer de genre. Et 2,3 % des femmes et 2,4% des hommes déclarent avoir déjà pensé. « Les personnes de 18 à 29 ans sont les plus nombreuses dans ce cas », témoignant d’une « réflexivité croissante des jeunes générations au sujet de leur appartenance de genre ».

L’acceptation sociale de l’homosexualité et de la transidentité progresse : 69,6 % des femmes et 56,2 % des hommes considèrent que l’homosexualité est une sexualité comme les autres, 41,9 % des femmes et 31,6 % des hommes considèrent que la transidentité est une identité comme une autre.

Moins de prévention

En 2023, 75,2 % des femmes et 84,5 % des hommes utilisent un préservatif lors de leur premier rapport sexuel, des chiffres en baisse. L’usage du préservatif avait pourtant augmenté de manière « frappante » au cours des années 1980 et 1990, « lorsque des campagnes de prévention ont été déployées pour lutter contre la propagation de l’infection à VIH ». Une baisse qui « pourrait contribuer à l’augmentation des taux d’IST signalée depuis le début des années 2000 », prévient l’Inserm.

D’autant que dans le même temps, « la couverture vaccinale » contre les infections sexuellement transmissibles « reste insuffisante », en particulier chez les hommes et les plus âgés. Ainsi la couverture vaccinale contre l’hépatite B atteint 63,5 % pour les femmes de 15-29 ans contre 52,9 % des hommes du même âge. Chez les plus de 50 ans, moins de la moitié de la population est vaccinée contre l’hépatite B.

Concernant les papillomavirus, la couverture progresse chez les jeunes (61,3 % chez les jeunes femmes de 15-19 ans et 32,9 % des jeunes hommes du même âge). Des estimations « en deçà des objectifs » français et « en deçà du niveau atteint dans nombre des pays européens ». Sur ce point, les campagnes en milieu scolaire « s’avèrent la stratégie la plus efficace ».

Désaffection pour la pilule

La contraception est en « mutation« , note l’étude. Si la couverture contraceptive reste stable (91 % des femmes de 18 à 49 ans ont recours à un moyen de contraception), la « distribution des méthodes contraceptives évolue », avec une baisse de l’utilisation de la pilule et une augmentation du recours au DIU et au préservatif. Le dispositif intra-utérin (DIU ou stérilet) est ainsi devenu la méthode de contraception la plus utilisée (27,7 %) suivi de la pilule (26,8 %) et du préservatif (18,6 %).

Un changement qui révèle « une désaffection croissante envers la pilule », dans le sillage des controverses autour des pilules de 3ᵉ et 4ᵉ génération. En 2005, plus de la moitié des femmes (55,8 %) recouraient à la pilule contraceptive, proportion qui a chuté à 36,4 % en 2016, puis à 26,8 % en 2023.

Les autres méthodes (retrait, calcul des dates, ogino, diaphragme) représentent 7,5 % des pratiques, et l’utilisation de l’implant contraceptif reste marginal, avec 4,4 % d’utilisatrices.

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